La guerre des casinos de Nice, qui oppose le Palais de la Méditerranée, dirigé avec détermination par Renée Le Roux, à son rival Le Ruhl, sous l'influence de Jean-Dominique Fratoni, n'est pas seulement une simple rivalité commerciale, mais une véritable saga marquée par des enjeux considérables et des intrigues dignes des plus grands thrillers. À partir de 1977, des événements retentissants vont bouleverser le paysage des jeux, plongeant la ville dans un tumulte qui fera couler beaucoup d'encre. Lors de l'assemblée générale du Palais de la Méditerranée, qui se tient le 30 juin 1977, un retournement de situation inattendu se produit : Agnès Le Roux, la fille de Renée, réussit à faire pencher la balance en sa faveur en cédant son vote et ses parts à Fratoni, ce qui déclenche une tempête qui ne laisse pas de répit.

Jean-Dominique Fratoni, perçu comme le magnat du secteur, entretient des relations troubles avec des figures influentes telles que le maire de Nice, Jacques Médecin. Loin d'être un simple homme d'affaires, Fratoni est soupçonné d'être un pion manipulé par des intérêts criminels, notamment une branche de la mafia désireuse de s'emparer du contrôle des casinos de la Côte d’Azur. Son plan est clair : éliminer toute concurrence pour transformer la Promenade des Anglais en un véritable "Las Vegas" à la française, une opération d’envergure qui laisse présager des conséquences dramatiques.

La caution de l'argent semble jouer un rôle clé : Agnès Le Roux aurait obtenu trois millions de francs pour la vente de ses droits, facilitée par son amant et avocat, Jean-Maurice Agnelet, qui, habilement, l’a mise en contact avec Fratoni. La transaction s'est effectuée dans un opacité inquiétante, avec des fonds transférés sur un compte en Suisse avant de finir sur celui d'Agnelet. Dans ce jeu d'argent où le hasard semble être une notion éloignée, la disparition d'Agnès Le Roux pendant le week-end de la Toussaint en 1977 vient assombrir encore plus une affaire déjà bien trouble. Trente-cinq ans après, son corps reste introuvable, et l'angoisse de sa mère, Renée, ne fait qu'accentuer son sentiment d'injustice. Elle voit dans cette guerre des casinos la cause de la souffrance qui la ronge, dénonçant Fratoni pour ses méthodes déloyales et pointant du doigt Agnelet comme un acteur clé dans ce drame.

Le 1er octobre 1978 marque un nouveau tournant : Fratoni est accusé d'achat de vote et s'enfuit vers l'Italie, tandis qu'Agnelet, lui, subit les conséquences de ses actes et est radié du barreau. Si, en 1985, il bénéficie d'un non-lieu faute de preuves suffisantes, les turbulences juridiques ne font que commencer. En 1990, il est finalement condamné à une peine de trente mois de prison pour abus de confiance, mais sa saga judiciaire ne s’arrête pas là. Un faux témoignage a des répercussions qui relancent l'affaire, amenant Agnelet devant les assises des Alpes-Maritimes où il sera condamné en 2007 à vingt ans de réclusion. Son appel à la Cour européenne des droits de l'homme ne change rien à son sort, et un troisième procès en 2014 se soldera par une nouvelle peine de vingt ans.

Cette affaire, bien que tragique, met en lumière les luttes de pouvoir qui gangrènent le monde des casinos, rappelant que derrière le glamour et l'excitation, se cachent des manigances et des conséquences humaines souvent dévastatrices. Chaque joueur, chaque pièce de monnaie jetée sur le tapis des jeux, devient un témoin silencieux d'un ballet tragique entre ambition, pouvoir et violence, illustrant à la fois la démesure de ce milieu et ses dérives fatales.

En somme, ce récit fait écho à la lutte intense qui se déroule dans l'ombre des feux des projecteurs, où le frisson du jeu peut se transformer en une danse macabre, et où les ambitions démesurées de quelques-uns entraînent souvent des conséquences désastreuses pour ceux qui croisent leur chemin.

Bibliographie :

Renée Le Roux, Une femme face à la mafia, Paris, Albin Michel.

Renée Le Roux et Alain Roullier, Révélations, Paris, France Europe éditions, 1999.